Octobre 2025 / Lille.
Début d’une nouvelle série intitulée « Écran Total ». L’artiste MIMI the ClowN a l’idée de cette nouvelle série au cours d’une promenade d’observation quotidienne. Il saisit l’urgence d’alerter ses semblables sur un des plus grands problèmes contemporains : la place prépondérante du téléphone portable et tout ce qui en découle, l’emprise du numérique, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle sur le réel.
Le téléphone portable et la vie numérique ont pris une place si importante qu’ils transforment l’être humain de façon radicale, aussi bien physiquement que psychologiquement. Alors que l’évolution humaine se compte en millions d’années, là, il n’aura fallu qu’une seule génération pour apercevoir ces changements. Et le COVID et ses confinements successifs ont accéléré et légitimé cette numérisation massive du quotidien.
Il se souvient des frises chronologiques à l’école en histoire où l’être humain se redresse petit à petit pour prendre l’apparence qu’il a encore aujourd’hui (il paraît).
Cette évolution s’est faite sur des millions d’années. Là, on ne parle que de quelques années, de l’apparition du téléphone portable à son utilisation massive parce qu’il y avait une méchante maladie et qu’il fallait rester chez soi. Bah bravo, vous avez tous bien retenu la leçon : la distance de sécurité n’a hélas toujours pas été levée.
Quels changements pour l’être humain ?
Ils sont à la fois physiques et psychologiques, et la liste est loin d’être exhaustive.
Les changements physiques
Penché en avant, il ne se tient plus droit : seuls les pouces fonctionnent bien, voire trop. Les yeux sont baissés, dirigés vers le fameux objet. Alors que l’être humain s’était redressé pour voir plus loin, désormais il ne regarde plus qu’à quelques centimètres devant lui, l’autre bras ballant. Le visage est triste, focalisé sur un écran minuscule. Un corps déformé par la technologie, symbole d’une nouvelle dépendance physique. Quel avenir quand ta vie se résume à ces quelques centimètres de technologie ?
Les changements psychologiques
L’adepte du portable, véritable toxicomane du numérique, est triste, et on sait que les algorithmes sont d’autant plus performants avec des contenus sombres ou mélancoliques. Hier encore, le 21/10/2025, Amnesty International saisissait l’ARCOM, accusant TikTok d’amplifier l’exposition des jeunes aux contenus liés au suicide :
Le drogué du numérique est atteint d’une flemme telle que même la parole lui devient difficile. D’ailleurs, ce téléphone ne sert plus à téléphoner (du grec « tele » : loin, et « phoné » : voix, son, langage), mais à scroller et consommer compulsivement des contenus de quelques secondes, juste le temps de capter une attention de poisson rouge. Certains, tellement captivés par ces contenus, en oublient même de se restaurer. S’ils n’oublient pas, ils font appel à Uber Eats par flemme de sortir, et parce qu’il pleut.
Le langage s’appauvrit. L’adolescent avait déjà du mal à parler correctement ; mettez-lui un téléphone entre les mains et c’en est fini. Si vous avez de la chance, vous percevrez un grommellement indistinct.
Bref, l’utilisation du téléphone agit comme une drogue, et l’on ne connaît pas encore ses effets à long terme. On connaît ceux de la cocaïne, de l’alcool ou du tabac sur le corps ; mais qu’en est-il du téléphone portable et de nos cerveaux abrutis par les écrans et les réseaux sociaux ?
Encore une fois, toute l’attention du scrolleur se concentre sur ces quelques centimètres de technologie, et il devient très difficile de décrocher. Ironie du sort : la Sécurité routière a lancé il y a quelques jours sa nouvelle campagne intitulée « Les zombies phone », pour sensibiliser aux dangers du portable dans la rue :
À une époque de baisse démographique, on constate également que ces nombreux adeptes ont moins de relations sexuelles. On a d’ailleurs appris cette semaine — décidément, tout s’accélère — qu’OpenAI (ChatGPT) allait permettre les conversations érotiques et sexuelles. Alors qu’aujourd’hui près de 60 % des couples se rencontrent en ligne, grâce aux algorithmes de leur téléphone, l’amour virtuel remplace peu à peu le contact réel. Tinder et consorts seront-ils bientôt remplacés par la branlette virtuelle face à un personnage généré par IA ?
Le téléphone est devenu une télécommande qui agit sur le mouvement de ses utilisateurs.
Et on se demande encore si l’IA prendra le contrôle de l’être humain ? C’est déjà fait les amis !
Alors pourquoi cette nouvelle série ?
Écran Total naît d’un constat aussi simple que désespérant : l’humanité a troqué la lumière du jour contre la lumière bleue de ses écrans. On se voulait “connectés”, on est devenus dépendants, et cette série raconte cette métamorphose. Dans cette ère post-Orwellienne, plus besoin de Big Brother : chacun porte son propre télécran dans la main. Et parce que même si ces utilisateurs compulsifs ne verront rien, l’artiste espère que lorsque la tête se relèvera pour respirer, certains apercevront un de ses dessins : qu’ils reconnaîtront leur portrait et que celui-ci leur fera prendre conscience de la situation, comme un miroir. Il sait bien qu’il n’arrêtera pas la marche du « progrès », mais une prise de conscience peut être utile et une utilisation raisonnée nécessaire. Ses clowns doivent agir comme des miroirs et révéler le ridicule de la situation avant qu’il ne soit trop tard.
À travers Écran Total, MIMI the ClowN signe une réflexion artistique sur la dépendance numérique, la déshumanisation et la place du corps dans l’ère virtuelle.
MIMI the ClowN, tel un Schwarzenegger des temps modernes, est en mission pour sauver le monde : faire en sorte que l’humanité reste ancrée dans la réalité et ne sombre pas totalement dans le virtuel. (Attention, il ne s’agit pas ici d’opposer la réalité à la fiction, mais bien la réalité au virtuel.)
Un peu de peinture, une émotion et la conviction que « la beauté sauvera le monde ».*
(à suivre)
*L’Idiot, Dostoïevski
